Lors d’une visite dans trois villes du nord de la France la semaine dernière, le président Emmanuel Macron a insisté sur le fait qu’il ne faisait pas campagne pour les élections régionales de dimanche. « Je poursuis simplement mon travail pour la nation », a-t-il déclaré. Peu de gens l’ont cru. La région des Hauts-de-France, au nord de Paris, est dirigée par Xavier Bertrand, un espoir présidentiel de centre-droit et un rival potentiellement dangereux pour Emmanuel Macron lors de l’élection à l’Élysée l’année prochaine.
Les Hauts-de-France au centre des regards
Le président avait besoin d’un bon résultat électoral pour son parti centriste La République en Marche afin de couper les ailes de M. Bertrand. Il a donc mis les bouchées doubles, ajoutant pas moins de cinq ministres à la liste régionale du parti pour renforcer son attrait et programmant sa propre visite dans la région. Mais lors du vote du premier tour de dimanche, LREM a fait un flop, n’obtenant que 9 % dans les Hauts-de-France, selon les estimations, et ne parvenant pas à atteindre la limite pour le vote du second tour le 27 juin. Bertrand a triomphé avec 41 %, devançant son rival d’extrême droite qui n’arrive qu’en deuxième position.
À l’échelle nationale, M. Macron est le grand perdant du scrutin, même si le Rassemblement national d’extrême droite dirigé par Marine Le Pen a fait bien pire que prévu, ne recueillant que 19 % des voix et arrivant en tête dans une seule région, au lieu des six attendues. Le parti de M. Macron, qui n’a toujours pas d’organisation de base et ne bénéficie pas de l’avantage d’être titulaire au niveau local, a glissé en cinquième position avec 11 % des voix et n’a pas réussi à se qualifier pour le second tour dans plusieurs régions.
Une élection à la représentation proportionnelle pour des assemblées régionales n’ayant que des pouvoirs limités en matière de transport, d’écoles et de développement économique est un guide peu fiable pour la compétition présidentielle de l’année prochaine. Le taux de participation a également été très faible (35 %). Mais à deux égards, il s’agissait d’un échauffement pour la grande course à venir.
L’extrême-droite perd également du terrain
L’élection de dimanche suggère que le plafond de verre est encore difficile à briser pour le RN, même si l’extrême droite peut encore avoir une chance de gagner en Provence-Alpes Côte d’Azur le week-end prochain. La prise d’un conseil régional serait une nouvelle étape dans la normalisation de l’extrême-droite qui a modéré ses positions politiques ces derniers mois. Les adversaires de Le Pen espèrent que le score décevant de l’extrême droite lui coupera un peu l’herbe sous le pied.
Se présenter comme l’homme politique le mieux placé pour vaincre l’extrême-droite a été un élément central de la stratégie politique de Macron depuis le début. Il l’a prouvé en remportant la présidence de manière convaincante en 2017. Mais après quatre années turbulentes à l’Élysée, et avec la politique française dans un état fébrile sur les menaces perçues de l’anarchie et du terrorisme islamiste, la menace de Le Pen est plus forte que jamais. Les sondages d’opinion suggèrent régulièrement qu’elle remportera le premier tour de l’élection présidentielle d’avril prochain et qu’elle se rapprochera dangereusement de Macron au second tour. Ils suggèrent également que Bertrand, un ancien ministre conservateur de la santé et du travail, la battrait plus facilement que Macron.
En repoussant facilement l’extrême droite dans le nord de la France, Bertrand a renforcé sa prétention à être mieux à même d’unir la nation contre Marine Le Pen. M. Macron aurait espéré une compétition plus serrée dans les Hauts-de-France pour pouvoir voler au secours de Bertrand au second tour. Mais Bertrand n’a pas eu besoin de son aide. Les Républicains de centre-droit ont renforcé leur emprise sur d’autres régions également, montrant que la France a fermement basculé dans une direction conservatrice, même si la gauche s’est avérée moins moribonde que prévu. Bertrand peut espérer un gros coup de pouce pour sa campagne présidentielle, en supposant que les Républicains se rangent derrière lui. Le duel entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen est maintenant devenu une course à trois.